



Récit d’un rescapé.
L’avant course : les préparatifs ont été compliqués. D’une équipe engagée en formule à 4 raideurs en course, on est passé à la formule à 2+1 dans le dernier mois. Freddy ne peut pas bouger les lendemains de séance de càp. Son dos ne veut pas. Après avoir entrevu de trouver un remplaçant et au vu de notre prépa très light côté frangins Micoud (avec le duo et les bobos,…), on décide de partir à 3, ce sera peut-être pas plus mal. Gérald, l’assistant recruté par Denis, viendra quand même, car l’expérience de 2011 nous montre que c’est un sacré plus. Encore quelques péripéties pour trouver le matos obligatoire, un camion et de quoi accrocher le kayak dessus et le Jour-J arrive. On est même à Marseille en avance pour embarquer. On a aussi eu le temps de préparer le camion de façon organisée (caisse bouffe sucrée, caisse salée, caisse canyon, etc….)
Jour 1 : Depuis 3 jours, on a le road book et les cartes qu’on a fait imprimer en A3 couleurs et on a beaucoup planché dans le bateau pour essayer de définir qui ferait quelle section, le tout en remontant le planning à partir du grand trek nocturne de dimanche soir qui a été d’emblée attribué à Toma et Denis. Vu mon piètre niveau à pied cette année, mes soucis au mollet et mon historique du dos, il est prévu que je cours peu, Denis n’est pas fan de kayak et Toma n’aime pas les canyons. Ca ne nous empêche pas de changer le programme à quelques minutes du départ, et d’envoyer Toma sur le canyon marin et de démarrer sur le kayak avec un duo jamais testé (à part 10 min avant le départ): Denis et Luc. Après un petit aller retour à pied sur la plage, on se jette vite dans le bateau, on n’accroche même pas les jupes (c’était bien la peine de les mettre). Puis, la première section de 7 km en mer se passe pas trop mal même si on est déjà loin de la tête (Lafuma) à l’assistance suivante. Denis a une fréquence de pile Duracell avec les bras (Un conseil de Freddy ça !) et moi je tiens pas trop le rythme. Toma prend ma place pour faire le coastering/canyon/coastering. Il est déjà remonté comme une pendule et nous fait faire des transitions de triathlètes. Peu habitué, Denis manque de partir sans le sac des combis. Ouch !! Les deux cocos font le forcing pour reprendre des places à pied et même dans le canyon. Comme d’hab, même s’il est neutralisé niveau chrono, les portes horaires sont quant à elles à heure fixe et notre coach Est-allemand (Thomass) veut garder le contact avec la tête. On est ainsi à peu près 4° quand je repas avec Denis sur le premier VTT. Mathieu (de l’orga) nous explique où est la sortie de la plage (qu’on doit longer en VTT). Il nous parle d’un gars qui nous attend. Résultat : on n’est pas attentif à ce qu’il dit, et on sort un peu trop loin, obligés de faire un peu de route interdite pour reprendre la piste qui débutait pile en face de la sortie plage et de prendre 10’ de péna. Le début du VTT grimpe longtemps, Denis me donne un bon rythme à peine un peu élevé, et je lui prends 2 ou 3 fois la laisse.
On passe la barrière horaire les doigts dans le nez, on fait la boucle optionnelle, avant d’attaquer une immense descente sur piste jusqu’à la mer, la poignée des gaz à fond. Le temps d’éviter une tortue (une vraie) en goguette sur la piste, de se mettre par terre deux fois (pour moi), on arrive 4° derrière LSN, Lafuma, Cap Opale, mais on est finalement classé 5°. Les Belges de Baba orientation arrivés 2 minutes après nous, ont certainement passé plus de temps dans le canyon marin neutralisé. Une bonne première journée, et un classement qui nous surprend agréablement.
Jour 2 : Transfert matinal en camion jusqu’à Bastelica. On passe de la mer à la montagne avec un gros trail vers les cimes, passage dans la neige, GR 20, puis VTT. Toma et Denis font les 23 premiers km de trail vers le Monte Rotondo, au contact de la tête le plus longtemps possible. Toma se charge de faire le départ au contact, puis le tractor Denis se charge de la laisse. Une petite déroute sur le sommet leur fait perdre ce contact. Ils arrivent aux bergeries de Capanelle après 23km et un gros gros D+ avec un retard de 15 minutes sur le trio de tête qui se tire la bourre. Nouvelle transition express sans même passer au camion et j’enchaine la suite du trail avec Toma. Il reste 12 km sur le GR20. Il est bien entamé des cuisses, visiblement Denis descend aussi très fort et les quadris de Toma couinent un peu. Ca me permet de me mettre dans le rythme en douceur, sans douleurs au dos ou aux mollets. Une petite visite improvisée de bergeries hors iti nous fait monter un peu les décibels-familiaux avant de rejoindre le col de Verde toujours à la même position, même si les équipes plus faibles nous perturbent, car n’ayant pas passé la porte horaire , elles ont rejoint notre itinéraire après avoir été re-orientées par le bas. Denis prend la place de Toma pour le VTT suivant. Cette seconde section s’avale quasiment aussi vite que celle de la veille. Ca roule, les pistes sont plutôt bonnes. On s’attendait à manger beaucoup de caillasse et il n’en est rien. On débaroule sur Cozano par un single rouvert pour le raid, c’est technique et bien sympa. On arrive assez tôt, la priorité est alors de se reposer pour Toma et Denis qui repartent à 22h sur LE morceau de bravoure : le trek de nuit.
A ce moment là, on a mis un gros cachou à nos poursuivants immédiats mais on a un peu l’impression que les trois équipes de tête vont jouer sans nous. Cap Opale gagne l’étape, la veille c’était Lozère Sport Nature et Lafuma est toujours en jaune. Mais la nuit va bouleverser pas mal de choses.
Nuit de dimanche : Toma et Denis repartent avec la même stratégie : tenir la tête le plus longtemps possible. Les djeun’s de Lafuma font le forcing en début d’étape pour filer seuls. Heureusement, Toma et Denis ont plutôt misé sur les LSN, qui sont plus entamés (ils venus à 2 gars + 1 fille qui n’est quasiment pas entrée en course) et efficaces à la boussole. Arrivés au Monte Incudine, puis au refuge Asinau, Toma retrouve alors une portion du GR 20 qu’on avait fait tous les deux en 2011 et qu’il avait refait durant l’été. C’est là qu’ils lâchent les LSN et se rapprochent de Cap Opale (Lafuma a fini par filer). Toma a retrouvé la pêche et prend même Denis en laisse. Arrivés au col de Bavella au petit matin, seules ces 4 équipes sont dans les temps pour passer la porte horaire. Mais alors qu’ils sont larges avec la porte, les LSN choisissent de ne pas faire la dernière portion de goudron jusqu’au col de Larone (trop fatigués). Toma et Denis coupent quasi tous les lacets de la descente du col de Bavella à travers les fougères et réussissent à terminer cette section dans la même minute que Cap Opale. LSN prend quasi 3H de pénalité et l’heure et demi qu’on avait sur eux avant la nuit se transforme en avance. On est sur la boîte et il va falloir y rester.
Jour 3 : Toma file dormir, Denis se repose un peu mais il enchaine dans une grosse heure avec le canyon. Le canyon est de toute beauté. On se débrouille avec Denis pour le boucler à la limite du temps imparti, de façon à laisser Toma dormir le plus longtemps possible. Nouvelle transition éclair et on repart pour 55km de VTT. On attaque directement par le col de Bavella par la route. Je prends Toma à la laisse et on profite ensuite de notre connaissance du terrain, la suite de la section étant très ressemblante à celle de 2011. Un petit regret : l’orga a balisé quasi tous les carrefours délicats et points d’orientation un peu chauds, sur lesquels on aurait pu prendre du temps aux autres, mais bon, on se désunit pas. Toma est vraiment dans le dur, mais je le motive, je le tracte, et au final on fera le meilleur temps de cette section. On rejoint alors Levie où Denis m’attend pour un dernier trail en aller-retour mais avec un gros déniv. Je me sens super bien au départ, mais je vais rapidement déchanter aux premières côtes. Je suis essouflé et tout bizarre. Le taureau Denis me prend en laisse pour la première ascension et je retrouve du peps dans la suivante. On croise Lafuma sur le haut. Ils ont une bonne vingtaine de minutes d’avance, mais les Cap Opale sont derrière. Ils ont du jardiner un peu à VTT. Peu de temps avant le point de demi-tour, LSN nous revient dessus. On fait la dernière balise ensembles, puis ils filent sur le début de la première descente. On croise Cap Opale, on a une petite avance. Je me sens mieux dans cette descente, et oh surprise, on retrouve LSN en bas. Denis commence à vouloir les suivre dans la dernière côte, et là j’explose. Je sue, je respire comme un fumeur, je suis en train de prendre un gros coup de bambou et Denis me hisse jusqu’en haut littéralement en rappel, je finis l’étape à la ramasse. Frissons, sommeil, ….je vais mettre deux bonnes heures à ressortir du brouillard. Et là je me dis qu’on tourne vraiment à la limite depuis 3 jours et qu’il va falloir tenir encore deux jours. Toma nous pousse toujours à foncer, mais je crains que ça finisse par péter. Mais on a n’a pas fait une seule grosse bêtise, ni mauvais choix d’équipiers selon les sections, on assure les assistances comme des chefs (même si Gérald découvre les raids). Et on vient de finir l’étape devant les gars qui ont fini 4° de la finale du Challenge National 2013, on était à la bagarre avec les champions 2012. Tout se passe comme dans un rêve. Et on joue vraiment dans une cour qui n’est habituellement pas la nôtre. Moi qui voulais faire une grande et belle course pour mes 40 ans, c’est le kif. J’ai eu quelques douleurs au dos après le premier kayak samedi, mais là tout va bien. Les endorphines doivent tourner à plein. Le soir, on a la joie de monter sur le podium. On a fini seconds de cette 3° étape marathon et on récupère le maillot bleu du vainqueur de l’étape (Lafuma, premier de l’étape a déjà le maillot jaune).
Jour 4 : Tout le problème va consister désormais à tenter de contenir le retour des LSN et garder ce podium. On attaque dès 5h du mat avec un VTT de 50km au profil plutôt descendant et roulant vers la mer. Je m’y colle avec Denis. Le début se fait groupé, puis à la première côte, LSN et Lafuma nous mettent un cachou. Il va falloir trouver notre rythme mais ne pas se laisser endormir. Manque de pot, c’est le jour des emmerdes. Denis entend un bruit pas catholique dans son pédalier. Il s’arrête : il ne reste que 2 vis sur 4 pour tenir les plateaux. Y’a pas grand-chose à faire, alors on continue. Cap Opale nous double et 200 mètres plus loin, le plateau du milieu se pète en deux. Grosse session de mécanique pour démonter le tout (et heureusement qu’on avait tous les deux un multi-outil dans le sac pour dévisser tout ça) et remonter tout de même le morceau cassé afin que les deux vis restantes, serrent bien le grand et le petit. Denis fait des essais : il arrive à passer du petit au grand via le demi moyen-plateau en douceur, mais il lui faudra être délicat. Trois équipes nous ont repris et on poursuit l’étape plus ou moins avec eux (tout en s’arrêtant une nouvelle fois pour « cartes envolées » et une autre pour « carte jetée trop tôt à la poubelle du village »). La plongée sur la plage d’argent via un superbe single sur les coups de 8h du mat restera pour moi le plus beau moment de la course. Cette plage n’est accessible que par une piste cabossée et est donc totalement déserte ce matin (sauf un voilier qui a jeté l’ancre). On jardine un peu la sortie de la plage, très bêtement puis on rejoint la plage d’à côté pour la fin de section et la neutralisation jusqu’à 9h. Sur la plage nous attend un Toma en colère. Les LSN, en proie à des problèmes de voiture depuis 2 jours, ont laissé leur voiture au garage, avec leur kayak dessus. C’est Lafuma qui va leur prêter leur second bateau pour cette section annoncée à 30km et vu la formule 1 que c’est, on se dit que notre podium ne tient plus qu’à un fil. C’est donc un Toma surchauffé qui va monter avec moi dans le kayak pour la première partie. Le départ de cette section kayak est donné en groupe et Toma veut qu’on prenne tous les sillages possibles et imaginables. Sauf qu’on est les seuls à ne pas voir de gouvernail sur notre bateau (Freddy l’a enlevé avant qu’on parte en disant que ça nous servirait pas trop). Dès qu’on dévie un peu de la trajectoire, on met du temps à recoller comme il faut. Et surtout, l’énergie dépensée à remettre le bateau dans l’axe ne l’est pas à le faire avancer. On fait pas mal le yoyo et je me vois pas faire 4heures à ce rythme. La bonne nouvelle, c’est que les LSN galèrent avec leur formule 1, visiblement pas facile à conduire. A l’assistance, on change de rameur. Denis prend la place de Toma pour les 8 derniers km. On se cale un rythme de rame plus synchro et on reste pas trop mal placé. Puis, Toma et Denis enchainent sur le coastering suivant durant lequel ils reprendront du temps à tout le monde, puisqu’ils arrivent très proches des Lafuma et LSN à Monacia et devant Cap Opale. Il ne reste qu’un petit trail’O qui se transformera en galère de plus de 2h30. La carte est incomplète (carrément), et ça jardine de partout. Denis fera cadeau d’une balise aux Lafuma sur laquelle le duo aura galéré 45 minutes. On finit une nouvelle fois seconds de l’étape derrière Lafuma (qui nous la doit), et on n’a pas usurpé notre second maillot bleu. LSN et Cap Opale ont laissé une balise en route.
Jour 5 : Il nous reste un pécule sympa sur LSN, la dernière journée ressemble à celle d’hier mais un peu plus light (normalement). Comme le VTT de Denis est pas au top, Toma prend sa place. On repart des sommets de l’Ospedale pour filer vers la mer. La section de 50km descend beaucoup mais la boucle optionnelle remonte sur le haut et va faire mal. Dès le début, LSN et Lafuma s’en vont, au premier raidillon. Derrière Cap Opale nous file le train. Il faut dire qu’hier, on leur a repris du temps et ils n’ont plus « que » 25 minutes d’avance sur nous. On sent qu’ils veulent pas nous laisser filer et risquer une erreur d’iti. On s’entend bien. Toma roule pas très fort, je le sens prudent, alors je fais le rythme du quatuor. La descente est interminable sur une piste, la remontée passe plutôt pas mal. On s’essaie à décrocher les Cap Opale, sans succès. La fin de la section est neutralisée sur la route, mais on la fait « tonique » pour garder du temps à la transition. Ce kayak dépasse encore les 20 bornes et se découpe en deux sections. Je fais la totalité du bazar à la barre, Toma et Denis une moitié chacun à la rame. Les plages sont magnifiques mais déjà un peu plus peuplées. On a perdu un petit quart d’heure sur LSN, c’est bien. Normalement, le kayak devrait figer les écarts, c’est sur les deux sections à pied suivantes que tout va se jouer. A la fin du kayak, je pars avec Denis sur un trail coastering qui nous ramène sur le golfe de St Cyprien. On va tout connaître : rochers en bord de mer, passages dans l’eau, sable, goudron, marais, boue. On arrive à St Cyprien sur les chapeaux de roues, mais en ayant oublié que le départ de la CO suivante était groupée après un regroupement. Ouf, un peu de repos. Toma et Denis se chargent de cette dernière CO. Denis se met à la planche et ne quittera pas les chaussures des LSN. Il faut tout ramasser en 1h30 et les délais sont chauds, mais ça passe. La dernière section kayak en soirée ne changera rien, elle se déroule plutôt en défilé de clôture. (Pas sûr d’ailleurs que l’orga ait même pris de chronos sur cette dernière section !).
Bilan perso: J’aurais pas parié un kopeck sur notre équipe. On savait Denis bien entrainé mais encore un peu novice sur les raids longs. Toma et moi n’avions pas réussi une préparation optimum. Mais pourtant on a réussi une course de folie. Ca va m’arracher la gueule de le dire, mais le coah Thomass a bien fait d’y croire plus que nous deux et de nous pousser à suivre la tête. C’est vrai aussi que la formule 2+1 permet d’injecter du sang frais régulièrement dans la course et relancer la vitesse de croisière. Je suis aussi super fier de notre orga qui a super bien tourné: allures de course homogènes, assistance impec, choix d’iti sans faille, ravito et repas au poil (merci les repas Team Energy prêts à être engloutis à n’importe quelle heure de la journée)…on a vraiment assuré. Denis en tractor, Thomas en tacticien et moi à la prépa des cartes et itis,….. vivement qu’on en refasse un ensembles.